HISTOIRE DU SILEX

 SILEX, PIERRE A FEU, PIERRE A FUSIL

 

Le silex est aussi appelé pierre à feu ou pierre à fusil car il était utilisé dans les briquets et, à partir du 16ème siècle, dans les premières armes à feu. Le morceau de silex est coincé dans le « chien » du fusil maintenu relevé par un ressort. La gâchette libère le chien qui vient frapper un morceau de métal rugueux ce qui produit une étincelle. Ainsi, la poudre contenue dans le bassinet s’enflamme et allume la charge du canon provoquant une explosion et l’expulsion de la balle. De la même manière, pour faire du feu à la préhistoire, on avait besoin de plus que d’un simple silex. On utilisait un éclat de pyrite ou de marcassite (un minéral riche en sulfure de fer), ou un percuteur métallique (à partir de l’âge du fer) pour produire les indispensables étincelles. Donc, contrairement à l’idée reçue, il n’est pas possible de faire du feu simplement en frappant deux silex l’un contre l’autre.


 

 

 

 

Pour les hommes de l’âge de pierre, le silex était surtout la matière première de prédilection pour la fabrication de toutes sortes d’outils. Le silex est une roche très dure (dureté de 7 sur l’échelle de Mohs) mais suffisamment cassante pour être débitée en morceaux (comme le verre, dur mais cassable). La dureté du silex permet de l’utiliser pour travailler des matériaux plus tendres comme le bois, l’os, l’ivoire qui seront incorporés dans des outils …permettant eux-mêmes de mieux travailler le silex ! Le silex a également la propriété d’être très homogène ce qui veut dire qu’une même manière de le travailler aboutira au même résultat. L’énergie mécanique transmise par une percussion se propage comme une onde dans la pierre et provoque de belles cassures régulières. De plus, les morceaux débités présentent des arrêtes tranchantes, idéales pour devenir des outils


 DEUX MANIÈRES DE TRAVAILLER LE SILEX

On peut façonner un rognon de silex pour lui donner la forme désirée, mais on peut également retravailler les chutes de la taille, ces nombreux éclats en forme de copeau ou de coquille. Dans le premier cas on parlera d’un outil fabriqué dans le noyau du silex dont les chutes seront en fait considérées comme des déchets. Cette méthode est surtout utilisée pour fabriquer des outils de grande taille comme les bifaces (paléolithique inférieur et moyen), les haches taillées (mésolithique), les haches et les herminettes polies (néolithique), les poignards et certaines faucilles (néolithique

Dans la seconde technique, les éclats seront eux-mêmes utilisés comme outils ou considérés comme un premier matériel à retoucher pour lui donner une forme et un usage définis. En particulier, les chutes de silex en forme de lames peuvent être retravaillées pour donner couteaux, perçoirs, racloirs, poinçons et pointes de flèches ou de Silex, pierre à feu, pierre à fusil Fragment de silex dans le chien du fusil Façonner un rognon de silex Préhistoire, Do It Yourself - le travail du silex 3 sagaies. Si l’on utilise cette deuxième méthode, c’est le noyau de silex qui devient un déchet à partir du moment où on ne peut plus en obtenir d’éclats utilisables.



 LES TECHNIQUES DE FAÇONNAGE

Pour obtenir des morceaux de silex utilisables, l’homme préhistorique usait de différentes techniques, indépendamment ou l’une après l’autre. Pour travailler sur des éclats ou des lames, il pouvait répéter une même technique pour « retoucher » l’outil et lui donner une forme définitive en l’affinant, micro-éclat après micro-éclat. Il obtenait ainsi des bords nets et tranchants. Certains outils passaient par un traitement supplémentaire, le polissage de leur surface (haches du mésolithique, poignards du néolithique). On peut séparer trois techniques de base :

Le coup direct « doux »
Le coup direct « doux »

1. La technique du coup direct

 

En fonction du matériau constituant le percuteur, les scientifiques différencient le coup direct « dur » ou « doux ».Même s’il est possible d’obtenir des éclats de silex simplement en jetant une pierre sur une autre, il s’agit ici d’une vraie technique faisant usage d’une pierre spéciale comme percuteur. L’usage d’un percuteur permet à l’artisan de contrôler la force, l’angle et le point d’impact de son coup. Le plus souvent, le percuteur était un galet arrondi constitué d’une roche moins fragile que le silex, souvent de la quartzite. La taille des éclats obtenus est dépendante de la taille du percuteur. Ils montrent des caractéristiques typiques de cette technique comme le point d’impact sur la surface percutée, le bulbe et les ondulations. Le point d’impact est le point précis où le coup a été porté, encore visible sous forme d’un petit (demi-) cercle sur la surface d’impact. Le bulbe est un renfoncement lenticulaire, juste sous la surface d’impact, côté ventral de l’éclat, provoqué par l’onde de choc. Cette onde de choque donne ensuite un aspect ondulé à la face interne de l’éclat. La cassure est dite « conchoïdale », c’est-à-dire en forme de coquillage. Parfois ces traces ne sont pas, ou plus, visibles. Par exemple, seule une cicatrice reste à la place du bulbe s’il a été raboté.

 

 

Cette technique de percussion remplace le percuteur en pierre par un « marteau » d’une matière plus tendre comme le bois ou un bois de cervidé. Dans ce dernier cas, c’est la base massive du bois qui est utilisée comme surface de frappe du marteau. L’os n’est pas vraiment adapté à ce travail car il éclate trop facilement. Cette variante de la technique du coup direct permet au travailleur de silex d’obtenir des éclats plus minces et plus réguliers, moins larges et massifs que par la technique du coup « dur ». Les lames produites avec cette technique montrent souvent un ourlet le long de la face interne (ventrale) de l’éclat. Le bulbe d’impact est aussi moins marqué que dans la technique du coup « dur ». La technique « douce » permet un travail plus précis en comparaison du coup « dur » qui est plus adapté au dégrossissage.


L’artisan peut tenir le silex qu’il travaille dans une main ou le coincer entre ses cuisses. Il peut ainsi mieux positionner la pièce qu’il travaille et mieux choisir l’angle avec lequel il va frapper. Dans la technique du coup direct « dur », il peut aussi utiliser une pierre plus grande comme enclume. Dans ce cas, l’angle de frappe était souvent de 90° et le silex subissait le choc aussi bien côté percuteur que côté enclume. L’utilisation des enclumes servait principalement à briser les silex les plus gros et les plus grossiers en morceaux plus petits et plus manipulables.


2. La technique du coup indirect

 

Dans cette technique, la force du coup de percuteur est appliquée au silex par l’intermédiaire d’un burin en bois végétal ou en bois de cervidé. Le burin est placé, plus ou moins incliné, sur le silex en choisissant précisément le point d’impact et l’angle de frappe. Les éclats ainsi obtenus sont plus minces et de forme plus homogène que par la technique du coup direct. Tout naturellement, les traces caractéristiques relevées sur les éclats fabriqués, ressemblent à celles de la technique du coup direct « doux » : ourlet ventral sur l’éclat, bulbe d’impact moins marqué, ondulations moins marquées sur la face fracturée. Les résultats obtenus en archéologie expérimentale montrent aussi que cette technique demandait de tenir le nucléus de silex entre ses cuisses. Une variante de la technique indirecte est celle du « contrecoup ». Le silex à tailler est placé sur une enclume de pierre. Le point de contact avec l’enclume devient l’équivalent du point d’impact. Alors le silex est frappé d’un marteau de bois et l’onde de choc se propage « en retour » à partir de l’enclume selon l’angle avec lequel le silex était maintenu. Cette méthode convenait particulièrement à la production de petits éclats et fines lames ou au travail de retouche.


3. La technique par pression

 

Cette technique permettait la production d’éclats très uniformes et diminuait le risque de casser les éclats laminaires en les débitant. Pour exercer la pression sur le silex, l’artisan utilisait un « retouchoir », fin bâtonnet pointu généralement en bois de cervidé. Ötzi, l’homme préhistorique retrouvé momifié dans la glace des Alpes, portait sur lui un tel retouchoir. L’ivoire, le bois durci ou même la pierre pouvaient servir de matière première pour fabriquer ces outils. Le tailleur de silex appliquait la pointe du retouchoir sur le bord de la pierre, toujours vers l’extérieur, et faisait sauter un éclat en appliquant une forte pression. Les petits retouchoirs permettaient d’obtenir de petits éclats. Pour obtenir des éclats plus grands il fallait un retouchoir à la mesure, sur lequel on pouvait appuyer également des épaules. La technique par pression est très éfficace pour effectuer de la retouche fine sur de petits outils comme des grattoirs, de petits perçoirs, de petites pointes. Les éclats produits montrent l’ourlet typique de la technique par coup « doux », le bulbe d’impact mais presque pas d’ondulations dues à l’onde de choc le long du pan de fracture. 

 L'ÉVOLUTION DES TECHNIQUES DURANT L'ÂGE DE PIERRE

Au paléolithique inférieur (Acheuléen), les travailleurs du silex fabriquaient leurs outils essentiellement à partir d’un noyau. Utilisant essentiellement la technique du coup direct, ils modelaient leurs outils en enlevant au noyau des éclats successifs. Un outil typique de cette époque est le biface en forme d’amande façonné en travaillant les deux côtés du noyau de pierre. Au paléolithique moyen (Moustérien), apparaissent les premiers outils fabriqués à partir d’éclats à côté de bifaces de plus petite taille. Parmi les néanderthaliens, certains développent une technique de débitage spéciale appelée « technique Levallois ». L’artisan prépare son bloc de silex avec beaucoup de soin en le taillant des deux côtés –principalement grâce à la technique du coup direct « dur »- pour donner une forme de carapace de tortue à son nucléus. Une surface de frappe est définie par des retouches, puis, de larges éclats sont grossièrement débités parallèlement et successivement. Ces éclats seront retravaillés pour leur donner leur forme définitive selon la fonction désirée. Le noyau résiduel sera encore utilisé pour produire des éclats plus petits, servant principalement à faire des pointes d’armes. Au paléolithique supérieur, les hommes de Cro-Magnon (Homo sapiens) perfectionnent encore la technique de taille. Ils produisent alors principalement des lames de silex longues et fines qui sont ensuite retouchées selon leur destination (Aurignacien, Gravettien, Solutréen, Magdalénien). C’est surtout la technique du coup «doux », direct ou indirect, ou celle par pression qui sont utilisées pour réaliser ces outils spécialisés. A la fin du paléolithique, les cultures Federmesser et Ahrensburgien produisent des lames plus petites et moins soignées. La tendance à la diminution de taille des lames produites est visible tout au long du mésolithique, en même temps qu’émergent les premières haches aux côtés d’outils constitués de simples éclats. Au néolithique réapparaissent les lames de silex façonnées avec soin, surtout par la technique de percussion indirecte et celle par pression. Les outils de grande taille comme les poignards, les haches, les faucilles sont encore fabriqués à partir d’un noyau de silex mais sont polis pour donner une surface lisse et un tranchant durable. Souvent, ces objets sont importés de régions jouissant de gisements de silex de très bonne qualité. A l’âge du bronze, l’usage du silex disparaît spectaculairement vite au profit des nouveaux outils en métal.