UTILISATION DU FEU, FACTEUR DE PROGRÈS


 

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La cuisson des aliments et le chauffage

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·         Le feu permet la cuisson des aliments et élargit ainsi les possibilités alimentaires de l’homme tant sur le plan qualitatif que quantitatif. La cuisson fait non seulement naître de plaisants arômes mais elle permet une plus longue conservation et procure une nourriture plus saine, débarrassée des microbes et des parasites. Du reste, dès que les foyers apparaissent, les ossements brûlés, résidus probables de la cuisson de la viande, sont présents dans les habitats préhistoriques. Cette importance de la nourriture cuite différenciera fondamentalement l’homme de l’animal. C’est d’ailleurs grâce à cette diversification alimentaire que différentes traditions et arts culinaires ont pu émerger. 

Le feu comme source de chaleur permet aussi à l’homme de se protéger plus efficacement contre les rigueurs de certains climats. Certes l’Homo Erectus avait déjà quitté les régions chaudes de ses origines mais la domestication du feu lui permit de coloniser le monde et de s’adapter aux changements climatiques liés aux cycles de glaciation. Comme le suggère le mode de vie des habitants aux régions polaires, le feu dû être le plus apprécié, autant pour sécher des vêtements et fondre la glace que pour se réchauffer auprès des flammes.


·         L’éclairage

 

Le feu est également une source de lumière, d’éclairage artificiel, le premier moyen de lutter contre l’obscurité. Ces moyens d’éclairage étaient soit fixes, soit portatifs.

Les premières techniques d’éclairage dont on suppose l’utilisation étaient : des foyers simples, des lampes à combustion avec une mèche végétale imbibée de graisses animales ou d’huiles végétales (lampes à support végétal, à support osseux, en coquilles, en pierres), des torches.

Le feu a ainsi permis l’occupation de grottes profondes, où l’on trouve certaines grandes fresques (Lunel-Viel en France), mais surtout de poursuivre les activités tard dans la nuit en supprimant la dépendance à la lumière naturelle. Ceci pouvait constituer un avantage appréciable selon les endroits en permettant de consacrer les heures de lumière naturelle à la recherche de la nourriture, tout en prolongeant certaines activités techniques et domestiques, l'entretien des armes de chasse et de l’équipement domestique, après la tombée de la nuit à l’abri d’une grotte. Cet affranchissement par l’homme du rythme imposé par la lumière naturelle a eu pour conséquence importante une nouvelle organisation du temps sur laquelle nous reviendrons plus tard.


 

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Le travail du bois, de l’ivoire, de la pierre

 

 

Le feu considéré comme « outil » permet un certain nombre d’applications techniques. Le feu permet la transformation du cadre végétal (débroussaillage, abattage des arbres), le séchage des peaux, l’enfumage de la viande. Le feu a permis de travailler certaines matières premières telles que le bois végétal, le bois de cervidé, les os et l'ivoire. Il est également intervenu dans le travail de la pierre selon différentes modalités (éclatement de la pierre par le feu, réchauffement simple du silex, traitement thermique de longue durée). 


 

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L’arme défensive et la chasse

 

Le feu a également pu être utilisé comme arme, offensive et défensive. Le feu permet aussi de se protéger des moustiques puisque la fumée les éloigne... Il fait également fuir les animaux sauvages lorsque ils s’en approchent de trop près. Pour la chasse, il est possible d’utiliser le feu sous forme d’incendies de prairies ou de torches agitées près des troupeaux pour les rabattre vers certains lieux choisis à l’avance où leur capture sera plus aisée.

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L’organisation des activités dans l’habitat humain

 

 

L’homme a associé le feu à son habitation. Les traces d’espace aménagé se font plus fréquentes dès la maîtrise du feu. Celle-ci, de plus, a eu une conséquence importante sur l’espace habité en réduisant l’indifférenciation domestique qui y régnait. En effet, une fois le feu maîtrisé, les feux semblent être devenus un pôle fixe dans l’habitat autour desquels s’organisaient des zones de travail de la pierre et de préparation des aliments.


 

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L’intégration du groupe

 

Si l’on admet la cuisson comme un avantage essentiel de la maîtrise du feu, il s’ensuit une conséquence importante, outre la diversification alimentaire, c’est la prise des repas en commun. La nourriture cuite (viande grillée notamment) était consommée au moment de sa cuisson, nous pouvons en déduire que le groupe avait un rythme commun dans l’alimentation. De là, il est possible d’avancer que le rythme commun dans l’alimentation favorise en premier lieu une certaine intégration du groupe ainsi qu’une certaine communication entre ses membres.

 

Le feu est ainsi à l’origine de la veillée, de la réunion d’un groupe après une journée d’activité. Moment privilégié pour communiquer, pour échanger au moyen du langage articulé qui est aussi propre à l’homme. Certains ont ainsi vu dans ces veillées le début du récit, de l’histoire, du mythe que les anciens transmettront aux jeunes. C’est autour de lui que commence sans doute à établir les premiers rituels, à commenter les qualités bénéfiques et maléfiques du feu.

 

De plus, pour certains auteurs et historiens, le feu a eu un rôle important dans la diffusion des idées, car il représente presque symboliquement le lieu de réunion et d’échanges. Ainsi, pour eux, outre l’intégration du groupe et sa structuration, le feu aurait favorisé les échanges et la transmission du savoir et, partant de là, l’élaboration d’un langage.


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La modification et la diversification du temps

 

Le feu a modifié le rapport du temps avec l’homme. La domestication du feu impose en effet certaines activités supplémentaires, telles que l’acquisition du combustible, l’entretien et la conservation du feu, la préparation alimentaire et la surveillance de la cuisson des aliments et requiert ainsi une certaine disponibilité de temps pour les accomplir. Elles ont ainsi entraîné une certaine organisation du cycle des activités quotidiennes et ont modifié et diversifié le temps quotidien. Ces différentes activités citées plus haut exigent une certaine régularité et sont ainsi difficilement compatibles avec les opérations de chasse par exemple qui restent quelque peu imprévisibles. Elles ont ainsi entraîné une différenciation des membres du groupe, certaines personnes devant entretenir le feu ou chercher le combustible par exemple. On semble pouvoir avancer l’hypothèse selon laquelle le feu a introduit une certaine division des tâches à l’intérieur du groupe. Les critères de cette différenciation (âge, sexe …) restent cependant plus difficiles à déterminer.


 

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Un progrès psychique avant d’être technique

 

En résumé, nous pouvons dire que le feu intervient comme « facteur de progrès » sur de nombreux

plans : possibilités alimentaires (cuisson des aliments), emprise sur la matière (travail et destruction

de matières premières), perception du temps (division du temps par diverses activités liées au feu),

 

Structuration du groupe (cohésion du groupe autour du feu). Le feu, en offrant à l’homme de nouveaux moyens d’action sur la matière, de nouvelles possibilités, mais aussi en lui posant des problèmes nouveaux, a profondément modifié son rapport avec son milieu. L’homme qui maîtrise le feu et l’intègre de manière régulière dans son univers domestique fait preuve de capacités intellectuelles lui permettant de concevoir un espace, un temps, des activités et un groupe à la fois différenciés, intégrés et organisés.

 

A l’inverse de la découverte du feu qui reste essentiellement technique, elle ne modifie pas fondamentalement les rapports homme-feu, l’acquisition du feu, c’est-à-dire le passage de la non-utilisation du feu à son utilisation (quelle qu’en soit l’origine) est un progrès psychique (et non technique) indéniable qui suppose certaines structures mentales adéquates. Nous disposons ainsi d’indices conséquents pour affirmer que les hommes qui se sont rendus maîtres du feu mettent en oeuvre des capacités intellectuelles supérieures à ce que l’on peut démontrer pour leurs prédécesseurs. Ce sont elles sans doute qui leur permettent de dominer la crainte instinctive qu’inspire le feu et de résoudre les problèmes d’organisation des activités qu’il impose. La domestication du feu se révèle donc d’une importance primordiale pour l’humanité car elle entraînera la création d’un temps et d’un espace humain.